LES SOULÈVEMENTS DU FLEUVE
ENSEMBLE, COMPOSONS UN NOUVEAU RAPPORT DE FORCE
Les Soulèvements du Fleuve sont nés de la rencontre de plusieurs luttes locales disséminées sur les territoires avec comme volonté de mettre en branle un mouvement de résistance au développement industriel, colonial et extractiviste. De mettre en résonnance ce qui résiste et s’organise. Une tentative qui rassemble de multiples groupes, initiatives et usages. Une réponse à l’appel international des Soulèvements de la Terre à rassembler les forces brutes et à s’en prendre directement à ceux qui exploitent et détruisent le vivant, à interrompre la continuité catastrophique du progrès, le rythme incessant de ses flux et la permanence des infrastructures qui le maintiennent. Chaque saison des soulèvements porte un thème incarné par une ou plusieurs luttes locales autour desquelles se rallier. Nous nous organisons dans les grandes villes comme en région afin que les combats que nous menons soient mieux partagés et gagnent en intensité.
RESTEZ AU COURANT DES PROCHAINES ACTIONS
ANGLE D'ATTAQUE
Si nos ambitions sont beaucoup plus vastes, nous prenons cependant comme point de départ, comme premier angle d’attaque, la plus récente initiative de reconfiguration majeure de l’économie, le Projet Saint-Laurent. On pourrait ainsi résumer cette ultime lubie du gouvernement : éventrer le Nord, bétonner le Sud et transformer le fleuve Saint-Laurent en autoroute
Le « Projet Saint-Laurent » est une stratégie de développement économique qui vise à transformer les basses-terres du Saint-Laurent en une sorte de Silicon Valley québécoise. Différentes initiatives en témoignent déjà : la méga-usine Northvolt en Montérégie, les projets de pôles industrialo-portuaires sur les terres de Rabaska à Lévis et à Contrecoeur, le projet innovitam à Québec, l’apparition de la Vallée de la transition énergétique et de ses nombreuses infrastructures, ou encore la plateforme de transbordement de Ray-Mont Logistique dans l’Est de Montréal en sont des exemples significatifs. Une idée de la transition énergétique qui mise sur l’excès et non la sobriété. Une arnaque qui vise en premier lieu la croissance de l’économie, au détriment de toutes les formes de vie. Avec la complicité de l’État (qui n’hésite pas à affaiblir sa réglementation environnementale pour les attirer), des multinationales s’installent sur les territoires pour les saccager. Provoquant une explosion de la demande énergétique, le gouvernement envisage même de réouvrir la centrale nucléaire Gentilly-2 à Bécancour et de construire de nouveaux barrages hydroélectiques.
« Habiter notre Nord », c’est par cet ignoble slogan que le gouvernement s’engage à soutenir le nouveau cycle de colonisation et d’exploitation des territoires. Étendant toujours plus leur emprise sur la vallée du Saint-Laurent et les régions boréales riches en « ressources », les entreprises extractives abattent les forêts, éventrent la terre et harnachent les rivières. Pour leur assurer son soutien, l’État entreprend la construction de nouvelles routes, accélérant la circulation des ressources et assurant le rythme de la dévastation. La course aux minéraux « critiques et stratégiques » comme le lithium, le graphite, le cuivre et le nickel pour alimenter la filière batterie signe une nouvelle étape du projet colonial. En dépit de toutes considérations relatives aux souverainetés autochtones, à la santé des populations locales, ou aux bouleversement climatiques, l’objectif des partisans de l’économie est de faire toujours plus, d’aller encore plus vite, de faire encore plus grand.
Pour accélérer l’extraction des minéraux du Nord et faciliter la circulation des marchandises, il est impératif d’agrandir les ports et de creuser le fleuve pour y faire passer des bateaux à encore plus gros tonnage. Si le projet du port industriel de Contrecoeur voit le jour, ce seront 1,15 millions de conteneurs qui y transigeront annuellement requérant la circulation de jusqu’à 1 200 camions par jour. Un habitat essentiel du chevalier cuivré, une espèce en voie de disparition et endémique au Québec, sera détruit. Plus haut sur le fleuve, l’intensification du trafic maritime perturbera les mammifères marins comme le béluga. Dans Hochelaga, les conteneurs s’empilent déjà par centaines là où le vivant avait repris ses droits, là où s’étendait une friche, là où il faut encore lutter pour conserver un des rares espaces verts dans l’Est de la ville et un refuge pour les habitants, les renards, les couleuvres, les grenouilles et les monarques. L’artificialisation des berges du Saint-Laurent vers laquelle mène le projet d’agrandissement et de modernisation de tous les ports en eau profonde se conjugue à la privation de tous les autres usages possibles.
OBJECTIFS IMMÉDIATS
Cibler les véritables responsables
Nous refusons l’approche illusoire et culpabilisante qui se concentre sur les gestes individuels qui prévoit laisser les rênes du changement dans les mains des intérêts privés. Nous nous attaquons aux véritables responsables de la crise. La responsabilité avérée de certaines entreprises dans le ravage actuel n’est plus à prouver. Le soutien indéfectible des États non plus, malgré tous les traités bidons. Nous savons que la « crise » n’est ni exceptionnelle ni contingente, elle relève du processus même de l’économie capitaliste. Nous n’attendons rien des gouvernements en place ni des beaux mots, verts et inclusifs, des entreprises extractives.
Densifier un réseau de résistance
L’idée des Soulèvements du Fleuve vise à densifier les différentes initiatives de résistance qui parcourent les territoires. Si notre initiative part du monde colonial, nous avons comme objectif d’en dépasser les frontière et les fractures. Notre hypothèse est donc de construire un réseau de luttes locales tout en impulsant un mouvement de rébellions contre les architectes de la fin du monde. Nous appelons ici et maintenant à établir un véritable rapport de force en vue d’arracher la terre au ravage industriel et marchand. À entamer une véritable révolution écologique. Les Soulèvements du Fleuve, ne sont donc ni organisation ni un groupe particulier, mais la composition d’une résistance à l’économie de la mort.
Reprendre du terrain
Il est aujourd’hui nécessaire de reprendre l’offensive. De gagner du terrain à la fois symboliquement et matériellement. C’est à dire, d’une part, de contrer les discours dominants sur l’économie la croissance économique et son monde. Se rencontrer, discuter, travailler les imaginaires, inventer d’autres possibles. Mettre de l’avant d’autres discours que celui de notre extinction assurée. Ce mouvement doit, d’autre part, être aussi celui d’une offensive matérielle. Partout où des territoires sont menacées, nous appelons à ce que tous les efforts soient faits pour les défendre afin qu’ils soient restitués aux communautés concernées, habités de nouvelles pratiques écologiques, occupés d’usages collectifs, ou simplement laissés vagues. Nous défendons à la fois la possibilité que des espaces puissent demeurer improductifs, que tout ne soit pas réduit à sa valeur, son travail, son rendement, que des choses puissent exister, tels quels. Mais aussi l’invention de nouveaux usages, de nouveaux rapports au monde, de nouvelles manières de se lier aux territoires et aux communautés qui les habitent