Les soulèvements du fleuve

LES SOULÈVEMENTS DU FLEUVE - SAISON 2

«Un groupe abandonne définitivement son village pour se lancer dans un voyage en mer à la poursuite de l’infini, mais il n’arrive au milieu de l’océan que pour se rendre compte que l’infini n’est pas une destination. Et il n’y a rien de plus terrifiant que l’infini quand il n’y a aucun retour en arrière possible.»

                                                                                                                                               -Yuk Hui

DÉPASSER L’EXTRACTIVISME

C’était ce qu’on appelle une évidence.

Assez largement partagée, disons-le. Or c’est aujourd’hui un rapport du gouvernement qui nous le confirme : pour assurer sa transition énergétique, le Canada ne pourra se suffire de sa production minière actuelle, il lui faudra ouvrir au moins cinq fois plus de mines. À celles et ceux qui tenaient en horreur le saccage des forêts de Lanaudière par Nouveau Monde Graphite, le désastre de Malartic ou les ruines de la fonderie Horne à Rouyn Noranda… ce n’est qu’un début. La transition énergétique qu’on nous concocte actuellement n’a rien d’écologique. C’est la poursuite du même projet, avec les mêmes modalités. Celui de l’accumulation de richesses à travers l’extraction de ressources.

ENQUÊTE

Comme ce fût le cas pour la première saison, il ne peut être question de démantèlement de l’extractivisme que si l’on trouve les moyens de prendre acte face aux véritables responsables de la crise, aux entreprises et aux complices d’État qui ravagent les terres et les forêts, siphonnent les sous-sols et mettent le monde en boîte pour en tirer profit. Pour désarmer les responsables, il nous faut connaître nos cibles. Les étudier, comprendre ce qui les lie les unes aux autres. Contextualiser leur action dans la chaîne de l’extraction et de la distribution, de la terre à l’assiette, de la mine à la fonderie, du pétrole au char.

C’est par l’enquête que nous pouvons repérer les failles et ainsi savoir où frapper.

L’enquête se déploie sur plusieurs fronts : la recherche documentaire permet de connaître les détails d’un projet – du nom des investisseurs aux ports de livraison, en passant par les contracteurs sous-traitants – et de tracer le réseau de relations des intérêts impliqués. De projets en projets, nous redessinons les filières, de manière à identifier leurs faiblesses et leurs possibles points de rupture.

L’enquête se mène aussi les pieds au sol, dans les territoires appropriés où nos luttes s’enracinent. Connaître un bassin versant, cartographier les entrées et les sorties d’un site menacé, enregistrer l’horaire des passages du gardien et le lieu où dort la machinerie. Une autre forme de carte, vivante, se dessine alors dans nos corps, lesquels deviennt habités par nos territoires de luttes. Si l’enquête est un outil stratégique qui prépare à l’action, elle est aussi nourrie par l’action lorsque cette dernière pénètre les espaces conquis par l’industrie et aide à construire une vision plus nette des brèches à exploiter.

Enquêter signifie chercher à comprendre où se situe le pouvoir et ce qui lui résiste, vers quels noeuds il importe de tourner notre attention pour attaquer les processsus extractivistes avec un maximum d’effet. Il faut apprendre à se lier avec celles et ceux qui luttent contre leur temps, pour la suite de leur monde.

Menées par les groupes de terrain, l’enquête est l’outil qui permet de cibler les projets à attaquer en priorité, d’évaluer les actions possibles, celles qui ont le potentiel de faire vaciller toute la chaîne et de nous donner encore plus de puissance pour la suite. Si l’enquête est bien sûr l’affaire de rencontres et de discussions, nous présentons dans les pages qui suivent trois petits fragments de recherche, concoctés par et avec des groupes en lutte, afin de diffuser la parole et d’aider celles et ceux qui contribuent à faire grandir les Soulèvements un peu partout.

 Lomiko Metals : une multinationale destructrice

Figurant parmi les six « minéraux critiques » qu’il faut, semble-t-il, impérativement extraire au nom de «l’économie verte et numérique du Canada et du monde entier», le graphite abonde dans ce que Lomiko appelle la Grenville Graphite Mineral Belt, où elle possède par ailleurs 268 claims d’une étendue de plus de 15 000 hectares. Pour une minière comme Lomiko, ce vaste territoire est d’abord une ceinture minérale à transformer en ceinture minière et ensuite un espace habité et vivant où l’on retrouve communautés et écosystèmes. Le site du principal projet minier de Lomiko, La Loutre, est prévu à moins de 500 mètres des habitations du Lac Doré, en plein cœur de terres publiques où l’on retrouve 22 espèces animales et 15 espèces végétales qui sont soit menacées, sensibles ou vulnérables…

VALERO : Le dernier serpent de métal du territoire

Depuis sa mise en service en 1976, la ligne 9B transporte environ 300 000 barils de pétrole par jour. Puisant sa source à partir des sables bitumineux de l’Ouest canadien, dans le bassin de l’Athabasca, ce pipeline s’étend « d’un océan à l’autre ». La ligne 9B que nous connaissons au Québec n’est donc que le dernier segment d’un immense réseau de pipelines, dont chacune des sections est identifiée : 3B, 5B, 6B, 9, 9A, etc. Parmi ces tronçons, le 6B est tristement célèbre pour le désastre de Kalamazoo en 2010. Ce déversement, le deuxième plus important de pétrole de l’histoire du continent, a contaminé de manière irréversible la rivière du même nom. Cette catastrophe n’est pas isolée : entre 2008 et 2016, plus de 750 incidents ont été recensés le long des principales lignes du pays…

Détruire l’Esker pour miner

Le projet Authier est projeté en territoire Anishnabe Aki, à proximité de la municipalité de La Motte, de la ville d’Amos et de la commnauté d’Abitibiwinni, en Abitibi-Témiscamingue. Il s’agit d’un projet de mine à ciel ouvert qui prévoit initialement, une fosse d’une longueur d’un kilomètre.

Le projet vise à extraire 1900 tonnes de minerais par jours sur 18 années. Le minerai recherché est le spodumène de lithium, une roche de couleur vert nacre qui sert dans de nombreux appareils électroniques aux batteries rechargeables. Le premier enjeu majeur que soulève l’arrivée du projet Authier est celui de la protection d’une source d’eau d’exception, l’esker Saint-Mathieu-Berry. L’esker, qui représente la source d’eau potable de la ville d’Amos ainsi qu’un milieu naturel unique et fragile, est situé à 50 mètres du projet miner initial, une distance alarmante pour les populations environnantes. Le second enjeu majeur du projet est le manque de considération, voire de respect, envers les communautés de La Motte, d’Amos et d’Abitibiwinni durant les premiers mois de l’arrivée du projet…

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